Je voudrais avant la lecture de cet article vous dire que la cérémonie funéraire au pays Toraja est très loin de nos repères occidentaux. C’est un rituel qui se transmet de générations en générations.
Cette tradition repose sur le sacrifice d’animaux pour aider l’âme du défunt dans son ascension vers le paradis ou du moins vers une autre vie meilleure. C’est très sanguin et même si je ne mets pas les photos et vidéos les plus choquantes, cela peut quand même mettre mal à l’aise, d’autant plus que la lecture se fait hors contexte et ce n’est pas toujours facile à comprendre.
Nous sommes arrivés à la maison du défunt et déjà beaucoup de monde était présent. Sur le chemin les personnes continuaient d’arriver, la plupart très bien vêtues avec la couleur noir dominante mais pas exclusivement. Il y avait aussi des voitures avec passagers et offrandes, à savoir le plus souvent des porcs dans le même véhicule.
Les offrandes sont principalement des coqs, pour les gens moins aisés, des porcs et des buffles pour les plus riches.
Pour le défunt qui avait 62 ans et qui était mort depuis trois mois, il y a eu plus de quarante porcs et dix buffles de sacrifiés. Cela peut paraître beaucoup mais ici c’est la moyenne !
Le mort était dans sa maison et nous ne l’avons pas vu, il ne sera descendu et enterré que le troisième jour de cérémonie. Par contre il n’est considéré mort que depuis le premier jour de la fête des funérailles.
C’est le frère du défunt qui nous a accueillis. Nous avons fait la coutume en lui offrant une cartouche de cigarettes. Il nous a ensuite dirigés vers une alvéole qui était réservée aux invités. Il nous a expliqué un peu le déroulement et parlé de lui et de sa famille. Son père était à coté de lui. Marion qui parle un peu indonésien conversait avec lui et nous expliquait ce qu’il disait.
Pendant ce temps les hommes avaient formé un cercle et effectuaient une danse avec des chants exclusivement vibratoires, c'est-à-dire que tous les sons très graves sortaient du fond de la gorge. Un homme racontait la vie du mort pendant que les autres faisaient le chant.
Toutes les personnes étaient dans des sortes de box en bambous fabriqués pour l’occasion. Cela représentait un grand cercle devant la maison, avec au milieu le lieu des sacrifices de buffles.
Les cochons arrivaient de partout sur des bambous qui servaient à les porter.
Un endroit était réservé à la préparation des repas car tous le monde, je pense environs 600 personnes ce jour là, devaient rester manger, y compris nous.
Aux alentours c’était les sacrifices des porcs, le découpage et la cuisson. Je suis parti avec Topik notre guide pour voir un peu comment tout cela se déroulait. Anita et Marion ont préféré rester à l’écart de ces préparatifs.
Il faut dire qu’il n’y a pas de sentiments, les hommes tuent froidement, ce sont souvent des jeunes garçons. Ensuite ils vident les cochons avant de les mettre sur les flammes. Ils enfilent tout le bras dans la bête encore chaude et extraient le sang, le foie et le cœur pour mettre dans des gros bambous
qui iront ensuite sur le feu pour cuire le contenu.
Après soit le porc est mit sur le feu pour être mangé tout de suite, soit il est découpé pour donner aux gens quand ils partiront. Tout n’est pas mangé sur place, une partie est donnée et une autre est vendu pour payer les taxes car l’état prélève des taxes sur chaque bête sacrifiée.
Les hommes boivent beaucoup de vin de palme pendant toute la cérémonie, j’ai été convié à vider quelques bambous avec eux. Ce n’est pas le top, le vin de palme même si certains était meilleurs que d’autres. Souvent il fermente encore et c’est un peu acide !
Finalement j’ai constaté que les femmes aussi buvaient et je pense qu'à la fin de la journée tout le monde est un peu dans le gaz. Heureusement que pour la plupart, ils dorment sur place.
Alors que j’étais en discussion avec mes amis « bouchers », Topik m’a appelé car il y avait un sacrifice de buffle, les neufs autres ayant lieu le lendemain.
Le buffle avait les yeux bandés, au début car après il l’a perdu son bandeau, une patte arrière attachée à un pieu. Il avait une corde autour du cou qui était tenue par l’homme qui allait le tuer. Un autre homme assistait le tueur. Ce dernier avait un couteau assez long à la ceinture et d’un geste très vif a tranché le cou du buffle. C’est très cruelle comme scène car la bête perd très vite beaucoup de sang, elle tombe et se relève à plusieurs reprises pour finalement succomber en quelques minutes. Les gens regardent pour la plupart mais il n’y a pas d’excitation, n’y de bruit. Je dois avouer que je ne regarderais pas cela pendant neuf reprises comme cela va se passer. Je ne porte pas de jugement car je sais très bien que je n’ai pas les connaissances nécessaires pour approfondir les raisons exactes de ces actes. Tout cela parait très primitif mais l’acte de mort n’a pas la même portée chez ce peuple là. Il y a, comme a expliqué Anita dans son article, toute une symbolique et un raisonnement qui nous échappe.
Après le buffle a été découpé et la viande sera bouilli. Ses cornes viendront orner la maison du défunt.
Toute la viande repose sur des feuilles de palmier, c’est très spécial toute cette viande un peu partout, ces porcs roussis…..
la mort pour accompagner l’esprit du mort vers le paradis.
Le repas a eu lieu avec les morceaux de viande des animaux sacrifiés. Les enfants du mort n’ont pas le droit de manger de cette viande pendant les trois jours.
Nous avons passé quelques heures dans cette cérémonie pas comme les autres.
Je ne peux pas dire que ce soit à mon goût, tous ces sacrifices me perturbent un peu.
Je n’ai pas ressenti la tristesse des cérémonies mortuaires de chez nous. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas, je ne pense pas que la croyance exclue ce sentiment. Simplement, les gens sont mieux préparés psychologiquement au départ de chacun d’entre eux vers l’au-delà, leur vie entière est consacrée et orientée vers ce but.