Avec ce long voyage nous avons quitté la culture Batak pour nous plonger dans la société Minangkabau. Cette société est musulmane mais avec une adaptation particulière puisqu’elle est matriarcale. C'est-à-dire que propriétés et richesses se transmettent de mère en fille. La femme la plus âgée a le statut de matriarche. L’homme le plus important est le frère ainé de la mère. Il se substitue au père pour l’éducation, l’instruction et le mariage des enfants. Néanmoins il y a entente et adaptation dans la société Minangkabau ou l’on considère que les femmes et les hommes sont complémentaires. Une expression locale dit : « comme l’ongle et la peau formant le bout du doigt ». Pour ce qui est de notre observation, je ne trouve pas tellement de changement par rapport à ce que j’ai vu ailleurs concernant la société musulmane. Seulement qu’ici les femmes participent aussi à l’appel à la prière dès le lever du jour alors qu’ailleurs ce sont les hommes seulement. Mais j’avoue ne pas être expert dans ce domaine. Notre losmen (guesthouse) ce situe sur les bords du lac. Son emplacement est certainement le meilleur car c’est le seul endroit ou il n’y a pas de fermes apicoles. Cet endroit est protégé car il est réservé à la pêche traditionnelle sur le lac. Cette région produit du riz, du cacao, du café et aussi des épices, cannelle, clou de girofle, cardamone. Elle avait par le passé une activité touristique importante mais qui s’est dispersée au fil du temps suite aux agitations politiques et aussi aux difficultés d’accès. De ce fait les habitants se sont tournés vers l’aquaculture. Cette dernière se fait sur le lac
et occasionne une pollution avec les aliments pour poissons. Elle se fait également en bassin pour démarrer les poissons. Nous avons souvent assisté au conditionnement des poissons vivants pour le transport.
Les sacs sont remplis avec les poissons et l’eau, ils y ajoutent du bleu de méthylène et de l’oxygène.
Dans les grands fossés qui descendent de la montagne avec de l’eau fraiche, ils aménagent des bassins avec des filets
et les utilisent pour le comptage des poissons.
Après ces derniers seront mis dans les bassins du lac. Le premier jour après une sieste de récupération nous avons marchés jusqu’au village qui était en lisière de forêt, je pourrais dire de jungle tellement elle est dense. De là haut nous avions un beau panorama
sur les différentes cultures
et le lac.
Les nids d’oiseaux tisserands
me rappelaient le Sri Lanka. Cette petite balade nous donnait une idée de la vie sur et autour du lac. Ce dernier est aussi un lac volcanique et l’eau y est de ce fait tempérée. Le lendemain c’est au son de l’appel à la prière vers 4h30, bien que lointain, que nous avons été réveillés. Le réveil c’est confirmé mais là beaucoup plus près grâce à Monsieur.
Le lac était calme et limpide, les pêcheurs préparaient leurs filets.
Nous étions devant un très joli panorama
ou seul le bruit de la rame qui s’enfonce dans l’eau
vient distraire notre petit déjeuner. Nous avons pris une moto et nous voilà partis pour la découverte des environs. C’est d’abord au marché de Bayur, c'est-à-dire à 2kms que nous avons fait la première halte. Les marchés sont une source inépuisable de curiosités. En dehors des étalages de toutes sortes, tous plus colorés les uns que les autres,
c’est celui-ci qui m’a un peu surpris. Ce monsieur vend des poussins colorés comme l’on remarque sur cette photo.
Les gens les achètent pour les enfants, soit pour jouer ou pour mettre en cage comme un oiseau. Anita me dit qu’ils finiront morts car les enfants les tripotent et souvent ne sont pas tendres avec les animaux. Brigitte Bardot devrait faire un séjour ici je pense ! Un autre « atelier », plus intéressant à mes yeux, était cet homme avec sa machine à faire du sambal. Les femmes viennent avec leurs piments, échalotes et ails
et l’homme passe tout cela au mixeur spécial en rajoutant du sel. A la sortie la préparation est terminée,
de quoi donner envie à Lionel et Jean Charles, deux grands spécialistes des mixtures maisons. Nous avons par la suite pris de la hauteur et avalés les 44 virages pour nous rendre à Matur. De là haut on peut mieux se rendre compte de la forme du cratère dans lequel se situe le lac.
Nous faisons toute la ligne de crête et les paysages sont à chaque point de vue, différents. A un moment nous suivons une indication un peu décrépie qui indique « view green ». Pour être green, c’est green ! La végétation est magnifique et le vert à 360°. Il y a quelques habitations et une dame met ses bâtons de cannelle à sécher.
C’est très beau de voir tout au long du chemin les cannelles qui se dorent au soleil et se replient sur elles même pour faire un rouleau qui parfumera les plats.
Elle sera ensuite vendue au marché et transportée en fagots.
C’est chouette la nature quand même, là c’est son parfum qu’elle nous donne au travers de cette écorce. Je constatais en conduisant que l’on s’éloignait de la route principale et que nous commencions à redescendre vers le lac a travers la forêt et une route qui devenait de plus en plus étroite et chaotique. Le problème rencontré est que le scooter cale dès qu’il y a trop de pente. De ce fait je n’ai plus de frein moteur. Nous avons quand même continué par ce sentier car il était riche en découvertes et panoramas.
Anita a dû descendre du scooter et moi souvent je freinais aussi des deux pieds pour ne pas faire chauffer les freins.
Une bonne heure de descente quand même !
Ponctuée il est vrai par de l’observation de la forêt et aussi des différentes vues sur le lac
et les cultures.
A un moment j’ai eu la peur de la journée. Juste devant moi un varan de plus d’un mètre cinquante qui part dans les fourrés. Je ne m’y attendais pas du tout. La peur est venue de l’effet de surprise mais aussi de la vivacité et de la vitesse de l’animal. J’ai compris que je n’avais aucune chance devant un tel animal si celui-ci décidait de m’attaquer. En plus je n’avais même pas de couteau sur moi, mon « tatoo » ayant servi de cadeau pour les porteurs de Ketembé. J’ai aussi réalisé à ce moment que j’étais dans un milieu hostile et pas dans les bois de Touraine à chercher les champignons. Anita était juste derrière moi et a seulement entendu le grand bruit mais n’a pas pu voir le varan. Plus loin un arbre à cannelle était cassé sur le chemin, nous avons enlevé un peu d’écorce et sucé cette cannelle fraiche, c’est très bon. Une coupe d’arbres attire notre attention par la couleur très orangée de la sciure.
Cette dernière sent très bon et Anita en met un peu dans un sac pour ramener à la maison. En arrivant vers la plaine, les habitations et activités reprenait place dans le paysage. Une femme écartait le riz pour le faire sécher
et dans un carré d’eau les hommes s’employaient à une activité qu’ils affectionnent, la pêche à la ligne.
Nous avons par la suite retrouvé notre ami Laurent qui était venu de Bukittinggi pour passés la journée sur le lac. Nous avons déjeuné ensemble et fait une photo souvenir,
comme à l’habitude. Nous sommes passés rapidement à un point internet pour voir notre messagerie et aussi comment était le lieu et s’il y avait du wifi pour que je puisse envoyer les articles. Une dernière promenade sur les bords du lac pour voir les maisons
mais déjà l’obscurité se faisait plus présente
et il était temps de rentrer pour éviter d’être sur la route de nuit. Nous avons consacré le lendemain pour faire le tour complet du lac soit 60kms. Une virée pleine de scènes de vie de ce peuple minangkabau.
La sortie des classes est ici moins haute en couleurs.
Les gens sont très gentils avec nous, tous nous font bonjour et nous demandent souvent d’où l’on vient et où l’on va. Après quelques heures de balade je constate que la météo ne sera pas clémente toute la journée. Cette constatation est aussi effectuée par cette femme qui va mettre à l’abri les clous de girofle qu’elle avait mis à sécher.
Le ciel se faisait de plus en plus menaçant
et ce qui devait arriver, arriva. Nous avons fait les 12 derniers kilomètres sous l’eau. Sous l’équateur l’eau quand elle tombe c’est énorme. Nous étions trempés totalement,
l’eau passait au travers de notre poncho. La chaussée a vite était rempli et de ce fait je ne distinguais plus les trous.
Nous sommes quand même arrivés à la chambre mais il était 15 h et nous n’avions pas mangé. Heureusement après nous être séchés nous avons mangés quelques bananes et gâteaux achetés la veille au marché. Puis assis sur le lit nous avons regardé la pluie tomber.
La vue était bouchée sur le lac mais c’est ainsi sous les tropiques.
Pascal