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24 décembre 2015 4 24 /12 /décembre /2015 23:45

La Chevrolet rose délavée arrive dans les faubourgs de La Havane, se dresse devant nous « El Monumento a José Marti » qui culmine à 138m. Je devine que nous arrivons à « La Plaza de la Revolución ». La sculpture d’Ernesto Guevara figure sur le bâtiment et se voit de loin accompagnée des mots « Hasta la Vicoria Siempre » (toujours vers la victoire ou toujours vainqueur).

D’avenues en rue étroites nous arrivons à notre habitation dans une rue de Centro Habana. Tout de suite j’ai le sentiment que cette ville va me plaire. Il serait bien prétentieux de ma part de décrire La Havane en un seul article. Cette ville a quelque chose de spécial, en plus d’architectures si variées, de scènes de vie d’un autre temps rythmées par la musique toujours présente, Habana a une âme. Derrière chaque façade, qu’elle soit décrépie, en ruine ou toute restaurée, il y a une histoire. Cette ville est troublante, on peut passer de la lumière des beaux bâtiments à l’obscurité des ruelles. Parfois on se croirait en zone urbaine bombardée, il ne reste que des lambeaux de murs.

Ce qui m’intrigue le plus c’est que nous sommes sur une île et je trouve là des bâtiments et une architecture digne de la veille Europe. Plus encore, Habana mêle du Mauresque espagnol au Néoclassique français, en passant par du Baroque colonial, très présent, et l’Art nouveau. C’est dans son histoire et son passé colonial qu’il faut chercher les raisons de ce patchwork architecturel. Au XVII siècle, la colonisation espagnole a mis en place des forteresses El Moro et la Punta qui rendait la ville plus sécuritaire à l’assaut des pirates. De ce fait les négociants moins inquiets laissent libre cours à leurs idées de grandeurs et c’est là que commence la construction de ces grandes maisons coloniales dans le style Andalou. Au XIX siècle Cuba exporte du sucre, du rhum, du tabac et du café dans le monde entier. C’est un siècle de progrès avec l’arrivée du chemin de fer, de l’éclairage public à gaz en 1848, de l’électricité ainsi que du télégraphe. Le début du XX siècle marque pour la Havane un passage important. C’est le début de la prohibition et les américains affluent en masse. Ce qui est interdit en Amérique devient possible à Cuba. La corruption, la prostitution, le jeu et les trafics en tout genre se déroulent ici. La maffia américaine a la main mise sur Cuba. A l’hôtel Sevilla , où nous allons parfois écouter la musique, Al Capone est en photo. Il y a logé quelques temps. Le Sloppy Joe’s est très fréquenté par ces américains venus étancher leur soif tout en grignotant de bons en-cas cubain. Cette période a vu de très lourds investissements yankee et la construction d’immeubles modernes et de grands hôtels. Le pouvoir en place de Batista était complètement corrompu et sous influence américaine. C’est à ce moment précis qu’intervient ce qui va changer la vie de deux générations de cubains, la Revolución. Mais c’est une toute autre histoire. Fidel Castro a d’autres chats à fouetter que de s’occuper de l’architecture de la Havane. Les bâtiments subissent les assauts du climat chaud mais surtout très humide l’été. Cuba est sur la route des cyclones et cela n’arrange rien. La Revolución a néanmoins permis de conserver toute l’architecture de la Havane Vieja que Batista était prêt a écraser pour y construire casinos et autres bâtiments de jeu. Fidel ne peut pas restaurer mais décide de garder toutes les façades de ces beaux immeubles. Les échafaudages sont en place depuis des années et la végétation les a envahis. C’est pour cela que l’on voit des scènes qui ressemblent à des bombardements. Derrières les murs se trouvent les décombres. Les envahisseurs et riches cubains ayant fuient vers Miami, libèrent tous ces bâtiments et c’est dans ceux-ci que viennent s’entasser la classe pauvre de la société. Les pièces étant très hautes, elles sont très souvent divisées en deux et peuvent recevoir plusieurs familles. En observant les photos on peut voir de phénomènes de superposition des pièces.

Nous avons parcouru Habana pendant 5 jours à pied. Nous nous sommes volontairement perdus dans ses ruelles pour y respirer le quotidien de la population. Derrière les murs il y a beaucoup de pauvreté. Mais une pauvreté digne, les gens se débrouillent pour sortir la tète de l’eau. Il y a toutes sortes de trafics, nous sommes allés dans des « coopératives » improvisées. On pousse une grande porte en fer rouillé et on peut acheter, là des cigares, ailleurs du café, ici tout est difficile mais tout est possible…

Ce que je retiens aussi de cette plongée en zone urbaine, c’est le sens de la création que développent les gens souvent défavorisés. Les murs sont le support de leurs expressions et souvent je me suis retrouvé admiratif. Parallèlement à cette créativité de rue, le gouvernement fait aussi un effort dans l’esthétique. Les bronzes sont nombreux dans la ville, bien entendu tous les héros de la Revolución et de l’indépendance y figurent mais on peut voir aussi de belles expressions artistiques. A coté des vrais bronzes, les artistes de rue pausent pour récupérer quelques pesos au travers de photos des touristes. C’est extrêmement bien fait et je n’ai pas honte de dire que je me suis fait piéger par ces fausses statues. Dans l’atelier de ferronnerie le travail bat son plein, chaque balcon a sa rambarde en fer forgé, souvent très travaillé. La manucure et le coiffeur exercent dans leur maison, la seule ouverture donnant sur la rue. On peut aussi voir au coin de ces dernières des étals de fruits et légumes ou viande de porc principalement.

Nous nous sommes imprégnés du quotidien de ces gens, nous avons attendus des heures devant la banque pour retirer de l’argent, comme sur cette photo où Anita est en « úlitimo », dernière de la file. Dans ces longue queues d’attente, des personnes plus pauvres attendent pour d’autres qui reviennent une heure après et leurs donnent quelques pesos pour prendre la place.

Pour sortir de la vielle Havane et prendre un air plus vif nous sommes allés sur le Malecón. Cette digue qui borde la ville est un lieu très fréquenté des cubains qui viennent s’y rafraichir. Nous y sommes allés plusieurs fois et notamment par temps couvert. Nous avons pu mesurer la puissance de la mer qui vient s’éclater sur la digue. Par très gros temps la mer va fouetter les bâtiments qui la bordent. Ces derniers sont très abimés par les intempéries et cela donne souvent un air désolant.

En continuant le bord de mer nous avons visité le quartier Vedado. Ce très grand quartier a pris son essor dans les années 1920 et c’est le quartier chic de La Havane. Les maisons sont souvent grandes et belles et agrémentées de beaux jardins. Ici il y a de l’espace et c’est une autre vie.

Sur le Malecón de ce quartier se trouve le Bureau des Intérêts des Etats Unis. En face se trouve la Plaza Tribuna Anti- Imperialista. En 2000, pour protester contre les Etats-Unis, une marée de mâts coiffés de drapeaux noirs a été érigée pour masquer l’enseigne lumineuse qui était sur la façade du bâtiment américain. De nos jours, la situation étant plutôt à l’apaisement les drapeaux ni figurent plus mais les mâts sont toujours là….

Un blocus de plus de cinquante ans ne s’efface pas d’un trait de crayon, les slogans sont là pour nous le rappeler.

En rentrant vers Centro Habana alors que nous étions déjà bien fatigués de la journée, nous sommes passés devant une « grande surface » ! Oui, j’ai cru rêver. Dans ce pays où il manque tant, où les gens sont en quête parfois d’un morceau de savon, il y a quand même les prémices d’une société de consommation. C’est Noël et les gens venaient faire les courses. C’était drôle et touchant de voir les gens rêver devant la devanture, pour certains ils ne pourront jamais s’offrir ce qu’ils voient. C’est bien le paradoxe de cette ville et de cette société cubaine.

Oui, c’est Noël même sous les tropiques et sur ce balcon, le bonhomme de neige gonflable est là pour nous le rappeler.

Pour finir cet article de façon positive, je veux parler de ce jeune garçon que j’ai vu au hasard de nos vadrouilles dans la ville. C’était une petite rue peu fréquentée. Entre les bâtiments délabrés il y a là le « gimnasio de boxeo ». Derrière la porte de fer, un entraineur avec un tout jeune boxeur. Je les observe, ils ne me voient pas tellement ils sont pris par ce qu’ils font. Le jeune prend la garde et je vois dans son regard toute la détermination et l’envie. L’envie d’égaler un jour les grands noms de la boxe cubaine. Je me suis dis que j’avais pris en photo peut être le grand champion de demain, en tout cas c’est ce que je lui souhaite de tout mon cœur. Je suis reparti comme venu, sans les déranger.

La Havane a une âme et je pourrais écrire des pages sur cette ville. Pour cela il faudrait y rester longtemps. J’aurais aimé décrire 24 heures d’une rue minute par minute. Les rues vivent tout le temps, jamais elles ne sont inactives. Dans la rue Manrique où nous logions la nuit je me réveillais et me mettais sur le balcon pour regarder la rue. Juste en bas deux vieux messieurs assis sur des tabourets sur le trottoir gardent les voitures garées. Pour quelques pesos ils passent la nuit à attendre. L’un deux m’avait repéré sur le balcon, les jours suivants il me saluait comme si je faisais un peu parti de ses nuits.

Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
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Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
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Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
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Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
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Derrière les murs de La Havane
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Derrière les murs de La Havane
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Derrière les murs de La Havane
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Derrière les murs de La Havane
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Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
Derrière les murs de La Havane
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commentaires

F
Merci pour ce cadeau de Noël !<br /> Vous me faites rêver plus fort à la Havane, un jour je flânerai moi aussi sur le Malecon... Et bientôt vous reviendrez vous promener sur les bords de l'Indre. Pour que la transition vous soit douce, les températures sont clémentes en ce moment : 14° hier.<br /> i Hasta prontito !
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B
Bonjour Pascal et Anita . <br /> Merci pour les descriptions de la vie des rues et de ses différents immeubles de la Havane , comme si on y était . A lheure ou <br /> j'écris vous êtes peut être en France . Nous avons beaucoup aimé comment vous avez essayé de nous montrer la vie à CUBA . . A bientot .<br /> <br /> Amitiés<br /> Maurice et Nicole
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